Exposition "Les quatre saisons de l'astronomie"

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« Je crois savoir qu’est-ce que le temps, mais si on me le demande, je ne le sais plus.* »
Saint Augustin, Les Confessions.

De prime abord, il y a la succession des jours… et des nuits, puis celle des saisons. En permettant d’appréhender la durée entre deux événements, le Soleil et la Lune ont ainsi régi la vie des communautés primitives. Leurs cycles se sont imposés comme des témoins naturels et universels du temps qui s’écoule. Les phases de la Lune, dont les premières représentations ont plusieurs millénaires, fournissent des repères temporels réguliers, immuables, aisément identifiables. De nombreuses civilisations les ont utilisées dans l’élaboration d’un système pour comptabiliser le temps.

Au IIIe millénaire av. J.-C., les peuples de Mésopotamie avaient adopté un calendrier lunaire de douze mois de 29 ou 30 jours. L’observation du premier croissant après la Nouvelle Lune marquait le début du mois. De tels calendriers sont encore utilisés aujourd’hui comme, par exemple, dans la religion musulmane. Le calendrier traditionnel chinois est, lui aussi, resté lunaire mais intègre des mois intercalaires pour éviter la dérive des saisons.

 

Inventer le temps

Le lever de l’étoile Alpha du Bélier dans les lueurs de l’aube, à l’équinoxe de printemps, marquait au début du IIe millénaire av. J.-C. le commencement de l’année pour les Babyloniens. Si leurs astronomes étudiaient les mouvements des astres, ce n'était pas seulement à des fins calendaires. Ils interprétaient également le ciel pour rapprocher les événements célestes des événements terrestres. Mais, comme pour la plupart des civilisations, leur première motivation à étudier la course du Soleil parmi les étoiles a été de savoir repérer le retour des saisons pour les besoins des travaux agricoles. C’est de l’observation du chemin que parcourt le Soleil au travers des constellations que naît alors un zodiaque à douze signes.

En Égypte, dès le Moyen Empire, le lever héliaque de Sothis (Sirius) annonçait les crues du Nil et la saison de l’inondation : l’Akhet. Son apparition définissait alors le début de l’année : le premier jour du mois de Thôt. Durant près de 4 000 ans, les prêtres égyptiens, ont conservé un calendrier solaire de seulement 360 jours et 5 jours épagomènes. D'un équinoxe à l'autre, il manquait un quart de jour. Cette erreur faisait dériver les saisons par rapport à leur calendrier, sans pour autant troubler les très nombreux rituels religieux qui rythmaient leur temps et peuplaient le ciel de divinités. Il fallait attendre 1461 de leurs années pour que Sirius se lève à nouveau le 1er Thôt, symbolisant le retour du Monde à l’origine.

 

Rythme à deux temps

Toutes les civilisations ont dû tant bien que mal concilier les deux principaux cycles astronomiques, celui des mois lunaires et le cycle annuel du Soleil, pour déterminer les périodes les plus fastes pour les travaux agraires mais aussi prédire les éclipses et célébrer les dieux. Le gnomon puis un cadran solaire de plus en plus élaboré, en fonction de la connaissance des mouvements diurnes, allaient donner une première forme de repères horaires. Le jour était découpé en douze intervalles de durée variable en fonction de la saison : une heure temporaire, bien peu pratique ! Le sablier, la clepsydre puis, au début du XIVe siècle, l’horloge mécanique permirent de rendre compte des durées, et donc de l’écoulement du temps. Mais jusqu’en 1881, ce fut le passage du Soleil au méridien du lieu, donnant le midi “vrai”, qui mettait à l’heure locale ces compteurs de temps.

La remarquable régularité des phénomènes célestes a conduit les philosophes grecs à une conception du monde rimant avec harmonie et géométrie. L’astronome Ptolémée poursuit et complète les travaux d’Hipparque, d’Aristote et d’Eudoxe, et dresse un exposé complet de sa conception géocentrique du monde dans L’Almageste, qui a fait autorité durant une quinzaine de siècles. Il décrit avec “précision” le mouvement des planètes, de la Lune et du Soleil en rotation autour d’une Terre immobile, placée au centre d’une sphère des fixes creuse qui porte les étoiles.

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| ETE | Le temps mesuré |

 

Emporter le temps

Accumulé lors de l’expansion de l’empire islamique, l’héritage des astronomes helléniques est traduit et diffusé par les Arabes à la fin du VIIIe siècle. Ainsi, sous la dynastie des Abbassides, ceux-ci fabriquent à partir des travaux de Ptolémée leur premier astrolabe. L’évolution de cet instrument au cours des âges témoigne de la connaissance du ciel de chaque époque et dans chaque culture. Dotés de cette “horloge” céleste, les astronomes arabes poursuivent les travaux des savants grecs, arpentant, cataloguant le ciel et le peuplant à leur tour. L’astrolabe devient l’apanage des personnages influents, qui seuls détiennent le droit de déterminer les dates des fêtes religieuses, l’heure de la prière ou la direction de la Mecque. Il servira aussi aux navigateurs durant de nombreux siècles pour connaître leur position.

L’effondrement de l’empire romain allait disperser le savoir accumulé et unifié par les astronomes et philosophes helléniques. Mais, sous l’influence de la civilisation arabe, les travaux des Grecs ont été traduits et conservés pendant près de mille ans. Alors qu’Aristarque avait calculé grâce aux éclipses la distance de la Terre à la Lune et démontré la sphéricité des deux astres dès le IIIe siècle av. J.-C., et qu’Érastosthène avait déterminé le rayon terrestre, le jour du solstice d’été en – 205, l’Occident n’allait redécouvrir ces travaux qu’à la fin du XIVe siècle. Deux cents ans plus tard, Copernic allait rompre avec la vision géocentrique du monde.

 

Une année sur mesure

Sur ordre du pape Grégoire XIII, l’année 1582 est amputée, au mois d'octobre, de dix jours. L’équinoxe est ainsi recalé le 21 mars de l’année suivante et les années séculaires dont le millésime n’est pas divisible par 400 ne sont plus bissextiles. Cette réforme, qui donne naissance au calendrier grégorien, permet de corriger l’erreur de Sosigène. Cet astronome d’Alexandrie, chargé par Jules César en 46 av. J.-C. de concevoir un calendrier efficace, se fonda sur une année tropique de 365, 25 jours, donc trop longue. À l’échelle de l’année, cette erreur n’était que de 0,0078 jour, soit 11 minutes par an - sans doute une précision difficile à atteindre à cette époque pour mesurer la durée de l’année. Mais tous les 400 ans, l’équinoxe prenait une avance de 3 jours par rapport au calendrier.

Excédé par le rôle prédominant des pontifes, souvent corrompus, Jules César décide de s’affranchir des contraintes du calendrier lunaire et des mois intercalaires pour imposer son rythme à l’empire : le calendrier julien. Avant celui-ci, pour rattraper la dérive saisonnière, les pontifes fixaient, tous les trois ans, la durée et la place dans le calendrier d’un treizième mois : Mercedonius. Ce dernier était alors associé aux transferts d’argent et faisait ainsi l'objet de toutes les convoitises. Sosigène régla l’année civile sur le cours du Soleil, la découpant en 365 jours regroupés en douze mois. Tous les quatre ans, le sixième jour avant les calendes de mars est doublé. Ces années sont dites bissextiles./p>

 

 

Le temps mécanisé

Le mouvement circulaire des aiguilles a contraint peu à peu le temps solaire. La révolution du comptage du temps par les horloges débute au XIIIe siècle, conférant à des artisans à la technique terrestre le pouvoir de rythmer les sociétés humaines. Mais au-delà, on assiste à la conception d’un nouvel ordre du monde céleste. Copernic admet le mouvement de rotation et de révolution de la Terre autour du Soleil. Galilée, considérant le temps comme une grandeur quantifiable, l’utilise pour ordonner ses expériences et les relier mathématiquement. Le temps devient mesure du mouvement, de la chute libre des objets à la trajectoire des planètes.

A partir des observations réalisées par Tycho Brahé, Kepler constate que les planètes n’ont pas une orbite circulaire, mais elliptique, et que leur vitesse change en fonction de leur position sur leur trajectoire. Il parvient ainsi à expliquer l'inégalité des durées des saisons. Dans le même temps, Galilée pointe une lunette vers le ciel. Il observe des montagnes à la surface de la Lune, des taches sur le Soleil et des satellites autour de Jupiter… Alors que les modèles dogmatiques d’Aristote et de Ptolémée s’effondrent, le ciel, encore peuplé de nombreux mythes, perd de sa perfection et de sa magie.

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| AUTOMNE | Un seul et même temps |

 

Le pouvoir du temps

À partir du XVe siècle, la bataille du temps est économique et politique. Les vaisseaux des grandes puissances parcourent la Terre à la conquête de nouveaux mondes, de nouvelles richesses. Pour connaître leur position, les navigateurs doivent trouver le moyen de déterminer leur longitude à tout moment. Les phénomènes astronomiques, comme le mouvement de la Lune sur le fond étoilé, peuvent servir de compteurs de temps, mais la moindre imprécision de quelques minutes engendre des kilomètres d’incertitude. Les pays se dotent alors d’observatoires dont la mission est d’affiner catalogues d’étoiles et éphémérides. La couronne d’Angleterre crée même un prix de 20 000 livres pour celui qui parviendra à réaliser une horloge fiable. C’est John Harrison qui le remporte en 1750. Il n’est pas astronome, mais… menuisier ! Son chronomètre, malgré vents et marées, accuse une erreur de seulement 2 minutes sur une traversée de six mois.

Cherchant à utiliser les satellites de Jupiter comme horloge céleste pour déterminer les longitudes, Cassini puis Römer observent un décalage régulier de leur apparition par rapport aux éphémérides lors de leurs éclipses avec la planète. En 1676, Römer émet l’hypothèse, alors controversée, que la lumière a une vitesse finie, qu’il estime à 200 000 km/s. Un demi-siècle plus tard, sir Bradley, en mettant en évidence le phénomène d’aberration de la lumière, confirme cette théorie et mesure une vitesse de 298 500 km/s. Il apporte ainsi la preuve expérimentale du mouvement de la Terre.

 

Le temps en équation

L’observation de deux passages rapprochés de comètes, en sens opposé, allait fournir en 1680 un support à Newton pour sa théorie de la gravitation universelle. Les comètes subissant l’attraction du Soleil devaient, comme les planètes, orbiter autour de lui. En étudiant leurs diverses observations au cours de l’histoire, Halley détermine les orbites de vingt-quatre comètes. Il découvrit ainsi que les visiteuses de 1531, 1607 et 1682 n’étaient en fait qu’un seul et même objet, dont il annonça le retour dans 76 ans. Cet astre le rendit à jamais célèbre. La mécanique céleste était née et s’imposa, définissant les mouvements de tous les astres. Ainsi, Le Verrier put prédire en 1846 la position d’une nouvelle planète, Neptune, à partir des perturbations qu’elle créait sur l’orbite d’Uranus.

Arpentant le ciel, les astronomes entreprirent une mesure systématique de la position des astres, notant l’heure de leur passage au méridien. Les outils d’observation (lunettes, télescopes), de comptage du temps munis de balanciers et de ressorts et les méthodes (calcul infinitésimal, calcul d'erreurs) allaient considérablement s’améliorer et faire gagner plusieurs ordres de grandeur dans la précision des mesures. La première parallaxe d’étoile put ainsi être établie en 1838, brisant définitivement l’idée d'une sphère d’étoiles fixes, situées toutes à la même distance. L’Univers prend alors une autre profondeur.

 

Le temps à la seconde près

En 1967, le temps devient atomique. La seconde est alors définie comme la durée de 9 192 631 770 vibrations d’un atome de césium 133 entre deux niveaux d’énergie bien définis. Avant cela, l’activité économique et sociale, en particulier les chemins de fer, avait imposé un temps national synchronisé puis, en 1884, une échelle de temps, où la seconde était définie comme la fraction de 1/86 400 du jour solaire moyen. Il ne pouvait plus être midi au passage du Soleil au méridien de chaque clocher de village ! Le méridien de Greenwich avait été choisi comme origine planétaire, mais comme il ne pouvait pas être midi en pleine nuit à Vancouver ou à Auckland, la conférence de Washington découpa le monde en 24 fuseaux pour définir le temps local par rapport au temps “universel”, celui du méridien d’origine.

Les progrès de la mesure du temps nous donnent une maîtrise sur l’espace. Les satellites de localisation du type GPS, équipés d’horloges atomiques, nous permettent non seulement de gérer le trafic maritime ou guider les missiles, mais aussi de trouver notre route en voiture, modifiant la perception de l’espace et du temps. Dans un futur proche, à la vitesse de la lumière, la précision théorique de localisation pourrait descendre en dessous du millimètre…

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| HIVER | Au delà du temps |

 

La relativité du temps

Observer le ciel, c’est observer le passé et retracer l’histoire de l’Univers. La nébuleuse du Crabe, telle que peuvent la voir les grands télescopes aujourd’hui, n’est autre que les restes d’une supernova observée par les Chinois en juillet 1054. Cette étoile avait en fait explosé 5 000 ans auparavant, temps nécessaire pour que l’information de ce cataclysme stellaire parvienne à la Terre à la vitesse finie de 300 000 km/s. Les quasars, observés loin dans l’espace, à plusieurs milliards d’années-lumière, sont des astres qui n’existent a priori plus à notre époque. Ils nous renseignent sur un Univers plus jeune.

La relativité restreinte d’Einstein a mis en évidence la dilatation du temps éprouvée par un corps en fonction de sa vitesse comparativement à un observateur immobile. C’est le paradoxe des jumeaux imaginé par Langevin : un des frères voyage à une vitesse de 99 % de celle de la lumière vers un astre situé à 20 a.-l., tandis que l’autre reste sur Terre. Quarante ans plus tard, le jumeau astronaute est de retour mais, pour lui, le voyage a duré un peu moins de six ans. Cette dilatation du temps est vérifiée sur les particules élémentaires, grâce à la précision des horloges atomiques embarquées sur des avions, mais n’est pas établie pour nos cellules. Le temps des horloges biologiques est-il le même que celui des particules élémentaires ?

 

L'illusion du présent

Les images des galaxies les plus lointaines nous révèlent des astres tels qu’ils étaient voilà une dizaine de milliards d’années. Que sont-ils devenus et où se situent-ils ? Ces objets sont en mouvement, leur vitesse de fuite est d’autant plus grande qu’ils sont lointains : l’Univers semble en expansion. Selon la relativité générale, l’espace et le temps, indissociables, se courbent au voisinage des astres massifs. Bouleversées par cette théorie, les notions “ici et maintenant” perdent de leur sens au-delà de notre environnement immédiat. La géométrie de notre Univers dépend donc des objets qu’il contient. L’espace ou le temps ne sont plus des grandeurs absolues, mais des coordonnées variables dépendant des mouvements et des champs gravitationnels.

À proximité des objets massifs, le trajet de la lumière est modifié par le champ gravitationnel. Cette courbure de l’espace-temps est utilisée comme moyen d’observation pour détecter les galaxies les plus lointaines : il s’agit des lentilles gravitationnelles. Plus les objets sont massifs, plus la courbure de l’espace-temps est importante, entraînant un ralentissement gravitationnel du temps. Ainsi, les théoriciens s’interrogent-ils sur la notion même d’écoulement du temps à proximité immédiate d’un trou noir.

 

La fin des temps

Newton crée un temps immuable en l’introduisant comme variable mathématique dans ses équations. Einstein, lui, le relativise : le temps devient une fonction. Mais, s’il n’a plus rien d’absolu, qu’en est-il du sens de son écoulement ? La “flèche” du temps peut-elle être retournée ? Pour chaque atome, le sens du temps est sans importance, les phénomènes sont symétriques. Mais à l’échelle macroscopique, cette réversibilité n’est plus vraie. Un gaz qui s’est échappé d’une bouteille n’y retournera pas spontanément. Quant à la conscience, comment l’imaginer sans enchaînement temporel ? Pour les êtres vivants, le problème n’est plus de savoir si le temps peut s’inverser, mais d’imaginer une pensée consciente sans avant ni après : la vie semble par essence indissociable d’une chronologie. Tout au plus, pourrions-nous rêver à changer d’époque !

Entre autres conséquences, la relativité d’Einstein a mis fin à l’éternité ! Les modèles théoriques et les observations nous conduisent en effet à imaginer un événement, le big bang, ayant engendré l’Univers tel que nous le connaissons. À l’appui de cette thèse, la découverte d’un rayonnement fossile à 3 K, souvenir de la première émission lumineuse de l’Univers, alors âgé de 300 000 ans. La physique nous permet ainsi de remonter la chaîne des événements jusqu’à 10–43 seconde, le temps de Planck, instant limite au-delà duquel les notions de temps et d’espace perdent tout sens.

« Le temps est invention ou il n’est rien du tout »
Henri Bergson

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Une exposition produite par l’Association Française d’Astronomie avec le soutien de la CASDEN

Textes et scénario  : Eric Piednoël et Olivier Las Vergnas avec le concours d’Emmanuelle Lancel, Michael Leblanc, Arnaud Marsollier.

Crédits photographiques : Ciel et Espace, ESO, A. Fujii, Nasa, The Bridgeman Art Library, C.Thioc (M.C.G.R)

Conception des ressources : Sandrine Dorbais, Sylvain Duforêt, Martine Gourgeot, Géraldine Leblanc, Michael Leblanc, Aurélie Lebras, Anne-Claire Mangé, Céline Mardelet, Arno Marsollier, Romuald Oumamar, Eric Piednoel, Bertrand Stepnik, Edgar Renault, David Van Pevenaghe

Conception du site internet : Cyril Amergé, Nicolas Franco, Eric Piednoel.

MAJ @AFA, 2011